REMAPATH

Lymphangiomes kystiques chez l’enfant : Alcoolisation de 36 cas.

B. BA 1, A. COULIBALY1, H. TRAORE1, T.D. THERA1, K. KEITA 1, M. SANOGO2, S. GUEYE1, A. TOURE1, H. KOITA1, K.S. DOUMBIA3, KEITA. M2, Y. COULIBALY2, T.F. DICKO4, G. DIALLO2, D.T. COULIBALY1, M.L. DIOMBANA1.

1Stomatologie et Chirurgie Maxillo-faciale du CHU-Odontostomatologie, 2Service de Chirurgie Pédiatrique CHU Gabriel Touré, 3Service d’O R L et Chirurgie cervico-faciale CHU Gabriel TOURE 4Service de Pédiatrie CHU Gabriel TOURE.

Résumé (Français):

Introduction : Les objectifs de cette étude étaient de déterminer la prévalence hospitalière, de décrire les aspects cliniques et para cliniques, d’analyser les résultats du traitement percutané à l’alcool à 90° sans colorant, aux Centres Hospitaliers Universitaires d’Odontostomatologie et du Gabriel Touré de Bamako. Matériels et Méthodes : Nous avons réalisé une étude rétrospective et prospective sur une période de 6 ans (de Mars 1999 à Mars 2005), sur 36 observations de lymphangiomes kystiques chez les enfants de moins de 15 ans. Les données ont été recueillies à partir des dossiers médicaux, saisies et analysées avec le logiciel Epiinfo.fr 6.0 Résultats : Les lésions tumorales ont concerné 17 garçons et 19 filles avec un sex-ratio de 0,89. La classe d’âge la plus atteinte a été celle des nourrissons de 30 jours à 2 ans avec un taux de 52,80%, suivie des nouveau-nés de 0 à 30 jours avec 41,70%. L’échographie a été effectuée dans 94,20% des cas. La localisation anatomique cervicale a été retrouvée dans 80,60% des cas. La taille de la masse tumorale se situait entre 5 à 10 cm dans 61,10% des cas. La sclérothérapie a été utilisée dans 75 % des cas avec une moyenne de 19 infiltrations d’alcool à 90° non coloré. La durée moyenne du traitement a été de 1,8 mois. La guérison complète a été obtenue dans 63,90% des cas avec la sclérothérapie. Conclusion : Cette étude montre la fréquence élevée des lymphangiomes kystiques chez les nourrissons et nouveau-nés, et la sclérothérapie peut être utilisée en première intention de traitement.

Mots clés: alcoolisation, lymphangiome kystique, nourrisson.
Summary (English):

Aims: The aims of this study were to determinate hospital prevalence, to describe clinical and Para clinical aspects, to analyze the results of the percutaneous alcohol treatment, in the CHU-OS, and CHU- Gabriel Touré of Bamako. Materials and Methods: We performed a retrospective and prospective study over a period of 6 years (March 1999 to March 2005), on 36 observations of cystic lymphangioma in children under 15 years. Our data were collected from medical cases, entered and analyzed using Epiinfo.fr 6.0 software. Results: The Tumor lesions involved 17 boys and 19 girls with a sex ratio of 0.89. The age group most affected was that of infant, 30 days to 2 years with a rate of 52.80%, followed by newborns from 0 to 30 days with 41.70%. The echography was performed in 94.20% of cases, for a cervical anatomical location in 80.60%. The tumor seized from 5 to 10 cm in 61.10% of the cases. Sclerotherapy has been used in 75% of cases with an average of 19 injections of alcohol, for an average duration of 1.8 months. Conclusion: This study shows the high frequency of cystic lymphangioma in infants and newborns, and sclerotherapy can be used as first line treatment.

Keywords: Cystic Lymphangioma, alcohol, infant.
Adresse de correspondance:

Coulibaly Amady, Service de Stomatologie et de Chirurgie Maxillo- Faciale/CHU-Centre national d’odontostomatologie de Bamako BP 2067 Rép Mali, Tel : (223) 76 24 39 47 E-mail : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

Introduction :
Les lymphangiomes kystiques sont des tumeurs bénignes rares, dues à une anomalie congénitale des vaisseaux lymphatiques. La région cervico-faciale constitue le siège de prédilection avec une fréquence estimée à 75% en moyenne. Les lymphangiomes kystiques surviennent le plus souvent, au décours d’épisodes infectieux ou de traumatismes et ils sont parfois suivis ou précédés par des saignements. Leur symptomatologie est fonction de la taille et de la topographie de la formation kystique. Les lymphangiomes kystiques se manifestent dans 90% des cas au cours des deux premières années de la vie [1, 2,3].
L’imagerie permet d’évoquer le diagnostic de lymphangiome kystique, et d’étudier son extension et ses rapports. La prise en charge de ces lymphangiomes kystiques fait appel à la chirurgie avec comme corollaire ces interminables récidives. Des traitements alternatifs ont donc été proposés, notamment la sclérothérapie, qui est actuellement l’une des principales thérapeutiques de ces lymphangiomes kystiques [4,5,6].
Plusieurs agents sclérosants ont été essayés allant du sérum salé hypertonique, à la doxycycline, en passant par la bléomycine ou l’éthibloc.
Dans notre étude notre choix s’est porté sur l’alcool à 90° sans colorant, qui parait moins cher, efficace et disponible partout au Mali.
Nous avons initié ce travail dans le but de déterminer la prévalence hospitalière du lymphangiome kystique chez l’enfant, d’en décrire les aspects cliniques et para cliniques, et d’analyser les résultats du traitement percutané à l’alcool à 90°.
Matériels et Méthodes :
Cette étude rétrospective et prospective s’est déroulée au service de stomatologie et chirurgie faciale du CHU OS et le service de chirurgie générale et pédiatrique du CHU Gabriel Touré, sur une période de 6 ans (de Mars 1999 à Mars 2005). Était inclus dans l’étude, tout patient âgé de 0 à 15 ans présentant cliniquement et radiologiquement un lymphangiome kystique. Les patients présentant un lymphangiome kystique dont la prise en charge a été effectuée en dehors de ces dits services, ou encore les patients présentant une tuméfaction non kystique, ou toute autre affection, mais aussi les patients âgés de plus de 15ans, n’ont pas été inclus. Tous les patients ont bénéficié d’une antibiothérapie, et d’un traitement à base d’anti-inflammatoire non stéroïdien. Les données ont été recueillies à partir des dossiers médicaux, saisies et analysées avec le logiciel Epiinfo.fr 6.0.
Mode opératoire : l’alcool à 90° sans colorant a été utilisé comme produit sclérosant.

  • But : l’injection de l’alcool dans les vaisseaux entraine une nécrose endothéliale et une agrégation plaquettaire qui est à l’origine d’une thrombose vasculaire et d’une ischémie tissulaire ; ce qui entraine une fibrose et la disparition de la tumeur.
  • Matériel : une seringue de 5 cc, une compresse stérile, un flacon d’alcool blanc (non coloré) à 90°, un flacon de Bétadine dermique, une paire de gants.
  • Technique : badigeonnage de la surface tumorale avec la Bétadine dermique, infiltration de 0,5 à 1,5 cc d’alcool de la périphérie vers le centre tumoral, compression du site d’infiltration avec la compresse pour éviter une lymphorrhée.

La quantité d’alcool injectée varie en fonction du diamètre tumoral et de sa localisation anatomique.
Résultats :
Nous avons inclus 36 patients, âgés de 0 à 15 ans pour lymphangiome kystique, pendant la période de notre étude. Le sex-ratio était de 0,89. Les nourrissons de 30 jours à 2 ans ont représenté 52,8% des cas et les nouveaux- nés de 0 à 30jours 41,60%. La moyenne d’âge a été de 1 an 3 mois et 6 jours avec un écart type de 3,7 ans. Les extrêmes ont été 1 jour et 15ans (Tableau I).

TableauI
La tuméfaction cervico-faciale constatée par le patient ou son entourage a été le motif de consultation le plus constant (100%). Les principales localisations anatomiques étaient cervicale (80,6%) et le creux axillaire (8,3%) (Tableau II). La taille de la tuméfaction était en fonction du grand axe tumoral de [5 à 10cm] dans 61,10% des cas (Tableau III).

TableauII TableauIII
A la palpation, la tumeur était dépressive, fixée au plan profond, mobile au plan superficiel et polylobée dans les 36 cas. Dans 3 cas, la palpation était douloureuse. La consistance de la tumeur était ferme dans 27 cas.
Une échographie cervicale a été réalisée dans 34 cas (94,40%), avec des aspects micro-kystiques objectivés dans 38,20% des cas (Tableau IV). TableauIV
La sclérothérapie ou alcoolisation a été effectuée dans 27 cas (75%), pour une durée moyenne de 1,8 mois, avec des extrêmes de 21 et 120 jours (Tableau V). L’exérèse a été pratiquée dans 36,10% des cas, pour une durée moyenne d’hospitalisation de 2,22 jours, (Tableau VI), avec des suites opératoires simples (27,8%) et infectées (8,3%). La guérison complète a été obtenue avec la slérothérapie seule dans 63,9% des cas. Dans 36,1% des cas, la sclérothérapie a été associée à la chirurgie (figure 1).
Au cours de l’alcoolisation, la fistulisation et l’infection ont été objectivées respectivement dans 3cas chacune, et la sensation de chaleur locale dans 24 cas.

TableauV
Discussion :
Durant la période de notre étude, nous avons recensé 36 cas de lymphangiomes kystiques, pour une prévalence hospitalière de 0,19% des consultations et 0,27% des hospitalisations de toutes les affections chirurgicales pédiatriques. Sur une période similaire de 6 ans (1997- 2003) Ahmad [4] aux USA notifiait 74 cas de lymphangiomes kystiques, et Aba [7] au Nigéria en trouvait 27 cas sur une période de 8 ans (1996- 2004).
Dans notre étude, le lymphangiome kystique a été observé chez les patients de 0 à 15 ans, les nourrissons de 30 jours à 2 ans ont représenté 52,8% des cas et les nouveaux nés de 0 à 30 jours 41,7%, avec une moyenne d’âge de 1,36 ans ; Aba [7] au Nigéria a trouvé 74% chez les nourrissons de 30 Jours à 2 ans pour une moyenne de 0,42 sur un effectif de 27 cas. Charabi [8] au Danemark en a trouvé 50% pour cette même tranche d’âge sur un effectif de 44 cas avec une moyenne d’âge de 1,36 an. Ceci s’expliquerait par la nature dysembryoplasique d’origine lymphatique de ces tumeurs.
Aucune prédominance significative de sexe n’a été notée dans notre série, les hommes ont représenté 47,23% avec un sex-ratio égal à 0,89. Ahmed [4] aux USA, a trouvé 50,9% de sexe féminin avec un sex-ratio de 0,96 sur une population de 74 patients. Tadaharu [5] au Japon a trouvé 56,2% de sexe masculin avec un sex-ratio de 1,28 sur un effectif de 128 cas. Aba [7] a trouvé 51,9% de sexe masculin avec un sex-ratio de 1,07 sur 27 cas.
La tuméfaction cervico-faciale a été le motif de consultation le plus constant (100%), en conformité avec la littérature internationale [3,9].
Les principales localisations anatomiques étaient cervicale (80,6%) et au niveau du creux axillaire (8,3%), Ahmad [4] aux USA a trouvé 58,2% de localisation cervicale, et Tadaharu [5] en a trouvé 53,9% au Japon, et Mohammad [6] au Canada a trouvé 55,6% de siège cervical dans son étude.
Dans notre étude, la tumeur était de consistance ferme dans 27 cas, et le grand axe moyen est de 7,4cm. Rim [9] en Tunisie sur un effectif de 25 cas, a trouvé une masse tumorale de consistance molle rénitente (100%), avec une taille moyenne de 6,6 cm.
Une échographie cervicale a été réalisée dans 34 cas (94,4%), avec des aspects micro-kystiques objectivés dans 38,2% des cas, Tadaharu a trouvé également 53,9% de microkystes, tandis que Ahmad [4] aux USA et Mohammad [6] au Canada en ont trouvé respectivement 41,8% et 38,8% de kystes mixtes.
La sclérothérapie ou alcoolisation a été effectuée dans 27 cas (75%), pour une durée moyenne de 1,8 mois, Mohammad [6] a trouvé une durée moyenne de 7 mois au Canada, et elle a été de 8,2 mois dans l’étude de Do [10] en Corée.
Conclusion :
Cette étude montre la fréquence élevée des lymphangiomes kystiques chez les nourrissons et nouveau-nés, et la sclérothérapie peut être utilisée en première intention de traitement.

Références:

1. Kennedy TL, Whitaker M, Pelliteri P, Wood WE. Cyst Hygroma/Lymphangioma: a rational approach to management Laryngoscope. American Laryngologic, Rhinologic and Otological Society, Inc 2001; 111:1929-37.
2. Rakotosamimanana J, Raharisolo Vololonantenaina CA, Ratovoson H, Ahmad A, Razafindiamboa H. Lymphangiome kystique cervico-médiastinal: à propos d’un cas et revue de littérature. Arch Inst Pasteur Madagascar 2000 ; 66 : 61-4.
3. Miloundjaa J, Manfounbi nguema AB, Mba Ella R, Nguema Edzang B, N’Zouba L. Lymphangiomes kystiques cervico-faciaux de l’enfant au Gabon. Annale d’otolaryngologie et chirurgie cervico-faciale 2007 ; 124 : 277- 84.
4. Ahmad I, Alomari MD, Victoria F, Karian MS, David Lord MD, Horacio M, Padua MD, Patricia E, Burrows MD. Percutaneous sclerotherapy for lymphatic malformations: A retrospective analysis of patient evaluated improvement. J Vasc Interv Radiol. 2006; 17: 1639- 1648.
5. Tadaharu Okazaki, Saori Iwatani, Toshihiro Ynai, Hiroyuki Kobayashi, Yoshifuni Kato, Takashi Marusasa, Geoffrey J Lane, Atsuyuki Yamataka. Treatment of Lymphangioma in children. Journal of Pediatric Surgery 2007; 42:386-389.
6. Mohammad Ali Emran, Josée Dubois, Louise Laberge, Ayman Al- Jazaeri, Andreana Bütter, Salam Yazbeck. Alcoholic solution of zein (Ethibloc) sclerotherapy for treatment of Lymphangioma in children. Journal of Pediatric Surgery 2006; 41:975-979.
7. Aba F, Uba, Lohfa B, Chirdan. Management of cystic Lymphangioma in children: Experience in Jos, Nigeria; Pediatr Surg Int 2006; 22: 353-356.
8. Charabi B, Bretlau P, Bille M, Holmelund M. Cystic Hygroma of the head and neck a long term follow-up of 44 cases. Acta Otolaryngol Suppl 2000; 543: 248- 50.
9. Rim Z, Chafik EA, Moncef S, Najeh B, Semia S, Ghaji B. Les lymphangiomes kystiques: A propos de 25 cas. La Tunisie Médicale 2012 ; 1 (92) :19-24.
10. Do YS, Lee BB, Byun HS, Choo IW, Kim DI, Huh SH. Advenced management of venous malformation with ethanol sclérothérapie. J Vasc Surg 2003; 37: 5338.

Illustration 1: Figure1
Citer l'article: Ba B, Coulibaly A, Traoré H, Théra TD, Keita K, Sanogo M, Gueye S, Touré A, Koita H, Doumbia KS, Keita M, Coulibaly Y, Dicko TF, Diallo G, Coulibaly TD, Diombana M L. Lymphangiomes kystiques chez l’enfant : alcoolisation de 36 cas. Remapath 2017;1:2-6.
Classé dans : REMAPATH N°1